Publié par Bruno Imbert[1]
Après plusieurs années d’une relative stabilité la direction en charge du budget a récemment vécu des changements majeurs. L’ancienne organisation a été remplacée par une nouvelle plus à même de faire face aux enjeux liés aux avancées technologiques pour la préparation et l’exécution du budget, aux exigences croissantes en matière de transparence et à la mise en œuvre des réformes de finances publiques telle que la gestion axée sur les résultats.
Au Sénégal, la responsabilité pour la préparation et l’exécution du budget[2] annuel a, de longue date, été confiée au Ministère des Finances mais il faudra attendre plusieurs décennies pour que se dessine progressivement une véritablement direction en charge de ces problématiques.
La première direction en charge du budget fut créé en 1956 mais le budget de l’Etat constituait seulement l’une de ses nombreuses attributions et non la plus importante. Ce fut seulement en 1964 qu’une véritable direction du budget émergea. A cette époque, la direction comprenait différentes divisions chargées du contrôle des engagements, des comptes spéciaux, des dépenses, des recettes ainsi qu’une division centrale et se concentrait principalement sur l’exécution et le contrôle budgétaires. Au cours des années suivantes, de nouvelles responsabilités seront ajoutées (ex. gestion de la dette et emprunts, planification et budgétisation des investissements, masse salariale). Cependant la structure et les objectifs de la direction resteront sensiblement les mêmes.
C’est en 1995 qu’a lieu la première réforme d’envergure avec la création de la Direction générale des finances (DGF) qui deviendra rapidement une direction majeure au sein du Ministère des finances. Cette évolution intervient concomitamment à la mise en œuvre d’un nouveau système d’information budgétaire (SIGFIP), au renforcement des contrôles sur les opérations budgétaires ainsi qu’à l’instauration d’un nouveau cadre légal pour la gestion des finances publiques. Sous la supervision d’un directeur général, la nouvelle structure est organisée en neuf directions, dont une direction en charge de la préparation et de l’exécution du budget annuel, deux directions en charge du budget d’investissement (interne et externe), ou encore une direction en charge de la solde et des pensions de l’Etat. Les caractéristiques de cette nouvelle direction étaient les suivantes : (i) un focus sur l’exécution et le contrôle budgétaires ; (ii) une séparation organisationnelle et matérielle des budgets de fonctionnement et d’investissement ; (iii) une faible importance accordée à la planification budgétaire qui restait largement mécanique et incrémentale ; et (iv) une répartition des ressources, notamment humaines, qui laissaient de côté de larges pans du travail budgétaire.
Au cours des années suivantes des évolutions progressives liées notamment à la mise en œuvre du cadre budgétaire à moyen terme (CBMT), à la mise en œuvre de déconcentration de l’ordonnancement, ou encore à une attention accrue du Parlement sur le budget annuel, encourageront le MEF à se pencher à nouveau sur l’organisation des fonctions budgétaires. Un nouveau cadre légal[3] ainsi qu’un environnement de plus en plus orienté vers la recherche de la performance constitueront des motifs supplémentaires pour procéder à une nouvelle réorganisation qui aboutira, en Avril 2017, à la création d’une Direction générale du budget..
Elément emblématique de cette réorganisation, la création d’une direction uniquement dédiée à la préparation et la planification budgétaire pour tous les types de dépenses (fonctionnement et investissement). L’objectif principal à la base de cette évolution était d’accroitre la capacité à conduire un travail d’analyse global, suivre plus précisément les dépenses des ministères et exercer un rôle de contre-expertise pour le compte du MEF dans le cadre des négociations budgétaires. Dans cette optique, la nouvelle direction de la programmation budgétaire est organisée autour de pôles sectoriels (social, économique et régaliens) sous la supervision d’une unité centrale. Par exemple, la division en charge du secteur social comprend un « bureau éducation » qui est chargé de suivre et de discuter le budget et la performance des ministères et établissements publics (ex. universités) de ce secteur. La division centrale est chargée de consolider les informations, de s’assurer du respect des plafonds et également de préparer matériellement le projet de loi de finances (PLF).
Autre évolution importante, la réorganisation a opéré une séparation claire entre les fonctions de préparation et d’exécution budgétaire. Une nouvelle direction en charge du contrôle des opérations budgétaires a été instituée pour suivre l’exécution du budget et superviser le travail des contrôleurs budgétaires placés auprès des ministères sectoriels ou dans les régions du Sénégal. De plus amples changements sont attendus dans le futur avec la mise en œuvre progressive de la déconcentration de l’ordonnancement.
Comme beaucoup de pays en ont fait l’expérience, l’organisation, au sein des Ministères des finances, du service en charge du budget n’est jamais figée mais doit au contraire être soumise à un processus permanent de révision. Il s’agit en effet de s’assurer que l’organisation se renouvelle régulièrement de façon à prendre en charge les nouveaux besoins et mette en œuvre les innovations en matière de gestion des finances publiques ainsi que les avancées technologiques. De tels changements sont nécessaires pour s’assurer que les principes budgétaires et les règles en matière de transparence sont bien appliqués, mais également que les améliorations garantissent un service public toujours plus efficace. La réorganisation des fonctions budgétaires au Sénégal, impulsée sous l’effet de réformes d’envergure, pourrait inspirer d’autres pays qui se trouvent dans une situation similaire en zone UEMOA ou CEMAC[4], ou également ailleurs en Afrique.
[1] Conseiller en assistance technique, Département des finances publiques (FAD), FMI.
[2] Au Sénégal, l’exécution du budget est centralisée au Ministère des finances qui dispose des compétences d’ordonnateur unique. Les ministères sectoriels ne peuvent pas engager ou exécuter leurs propres dépenses directement, ni gérer les fonds.
[3] Une loi organique, transposant les directives régionales de l’UEMOA sur les finances publiques, a été adoptée en 2011.
[4] UEMOA : Union économique et monétaire Ouest Africaine ; CEMAC = Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale.
Note : Les articles du PFM Blog du FMI ne doivent pas être considérés comme représentatifs des opinions du FMI. Les points de vue exprimés sont ceux des auteurs et ne reflètent pas forcément les politiques du FMI.