La modernisation de la gestion de la trésorerie au Mali

La modernisation de la gestion de la trésorerie au Mali
Préparé par Léonard Kobou Djongue, Serge Ramangalahy et Claude Wendling[1]

La mise en œuvre du Compte unique du Trésor (CUT) constitue un enjeu majeur dans la modernisation de la gestion de la trésorerie de l’Etat. En effet, la centralisation des fonds publics vise à permettre à l’Etat de faire face, à tout instant, à ses engagements, et ce, au moindre cout. A ce titre, la lutte contre l’éparpillement des ressources publiques et contre la constitution de poches de « liquidités oisives » sont des priorités de premier rang pour le ministère de l’Economie et des Finances (MEF).

La survenue de la pandémie COVID-19 depuis le printemps 2020 s’est traduite par des besoins aigus d’intervention de l’Etat pour lutter contre la pandémie, soutenir l’économie et les populations vulnérables. Elle a mis en lumière la nécessité impérieuse de mobiliser toutes les ressources disponibles afin de réduire les risques d’accumulation d’arriérés, et de n’émettre des titres de dette publique (bons du Trésor ou obligations) qu’au moment le plus opportun.

Dans ce cadre, une mission technique sollicitée par les autorités maliennes et conduite en décembre 2020 par le FMI, avec l’appui du gouvernement du Japon, a assisté l’administration malienne pour la poursuite des réformes engagées dans la gestion de la trésorerie, à travers notamment la mise en place d’un CUT.

Cette mission s’inscrit dans une démarche de longue haleine pour améliorer l’efficacité de la gestion de la trésorerie au Mali. Une Commission de mise en œuvre du CUT a ainsi été mise en place dès 2011, avec pour mandat de conduire les travaux d’opérationnalisation du CUT. Le gouvernement a préparé à cette fin un plan d’action pluriannuel intégrant des volets juridique, technologique et de renforcement des capacités. En mars 2019, le ministère de l’économie et des finances a organisé, avec l’appui du FMI et du gouvernement du Japon, un important séminaire national réunissant 130 participants issus des services techniques du ministère des finances, des ministères sectoriels, des établissements publics à caractère administratif, du secteur bancaire ainsi que les partenaires techniques et financiers (PTF).

Près de deux ans après cet événement fondateur, la mission de décembre 2020 a permis de faire le point sur les chantiers relatifs au CUT. A ce jour, de nombreuses initiatives ont été lancées :

  • le cadre juridique et conventionnel du CUT (avec la BCEAO et les quatorze banques commerciales du Mali) a été adopté en prenant appui, en particulier, sur les textes de transposition des directives communautaires et des standards internationaux ;
  • un recensement des comptes bancaires détenus par les entités publiques dans les banques commerciales a été mené à bien ;
  • les instruments de paiement par virement et pour la numérisation de la présentation des chèques à la compensation (STAR et SICA UEMOA) sont en cours de déploiement au sein du réseau du Trésor Public ;
  • les travaux en vue de renforcer la qualité des prévisions des dépenses ont commencé avec l’élaboration dans huit ministères pilotes en 2020 de plans d’engagement de dépenses, avec l’appui du FMI et d’Overseas Development Institute (ODI) ;
  • le Trésor Public et la Direction Générale des Impôts sont mobilisés pour moderniser et accélérer la collecte et la centralisation des recettes publiques vers le CUT en développant le télépaiement des impôts et taxes ;
  • des activités de formation, de sensibilisation et d’accompagnement des acteurs sont régulièrement organisées dans le cadre du Plan de Réforme des Finances publiques au Mali.

La poursuite de la réforme nécessite aujourd’hui de recueillir l’adhésion des administrations publiques qui assurent la tutelle des entités – telles que les établissements publics administratifs ou les unités de gestion de projets d’infrastructure – détenant des comptes bancaires ouverts dans les établissements financiers. Elle requiert aussi la coopération des banques commerciales elles-mêmes ainsi que des partenaires techniques et financiers, afin qu’ils adaptent progressivement leurs processus financiers pour faire passer leurs appuis par le CUT.

La sensibilisation des parties prenantes, combinée avec un « portage » politique fort de la réforme au plus haut niveau, constitue dès lors un facteur clef de succès. A cet égard, la mission de décembre 2020 a apporté une contribution importante au travers de la tenue de quatre jours d’ateliers animés à distance par les experts du Fonds, avec plus de 70 participants issus de tous les acteurs de la réforme. Elle a ainsi préparé le terrain pour les prochaines étapes : élargissement progressif du périmètre du CUT en rationalisant les comptes bancaires publics détenus dans les banques commerciales ; poursuite de la modernisation des outils de la gestion de la trésorerie de l’Etat ; mise en œuvre des outils et dispositifs dématérialisés proposés au niveau communautaire (cartes bancaires, télépaiements, etc.) par le Groupement Interbancaire Monétique UEMOA (GIM-UEMOA), tout en veillant à l’adoption des dispositifs de maitrise des risques rendus nécessaires par ces nouveaux outils.

 

[1] Léonard Kobou Djongue est un expert court terme du Département des Finances Publiques du FMI disposant d’une vaste expérience de la gestion de trésorerie et du Compte Unique du Trésor en Afrique francophone. Serge Ramangalahy est expert long-terme de FAD basé au Mali ; Claude Wendling est conseiller en assistance technique à FAD.

Note : Les articles du PFM Blog du FMI ne doivent pas être considérés comme représentatifs des opinions du FMI. Les points de vue exprimés sont ceux des auteurs et ne reflètent pas forcément les politiques du FMI.