Publié par Quentin Gouzien[1]
Pour atteindre les objectifs de Développement durables (ODD), il est nécessaire que l’Etat alloue des ressources budgétaires suffisantes dans les secteurs concourant à leur réalisation, comme le souligne une étude récente du FMI. Comme le montre l'expérience des objectifs millénaires pour le développement (OMD), la prise en compte des ODD dans les plans de développement à long terme n’est pas suffisante. Il faut également s’assurer que le budget de l’Etat prend les ODD en compte.
Toutefois, il n’existe pas à l’heure actuelle de méthodologie internationale pour intégrer les ODD dans les processus budgétaires. Par conséquent, de nombreuses décisions doivent être prises par chaque pays pendant ce processus d’intégration, selon le contexte et le système de gestion des finances publiques (GFP) en place. A l’inverse de quelques exemples bien connus comme celui du Mexique, les expériences africaines sont largement non documentées.
Dans ce contexte, un atelier a été organisé en janvier 2020 par le Ministère de l’économie et des finances du Bénin, avec l’appui technique et financier de la coopération allemande (à travers la GIZ), pour partager les expériences de huit pays africains. La conférence a réuni à Cotonou environ soixante participants, composés des représentants du Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Ghana, Mauritanie, Mozambique, Namibie et Sénégal ainsi que des experts de l’Initiative globale pour la transparence budgétaire (GIFT), le secrétariat PEFA, et plusieurs projets GIZ situés dans les mêmes pays africains, en Afrique du sud et en Allemagne.
Le premier jour a été consacré à l’intégration systématique des ODD dans le budget de l’Etat. Les pays participants sont à des stades très différents : alors que beaucoup n’ont pas encore commencé ce processus, certains sont à la phase de conception ou de test, notamment le Bénin, et peu de pays ont déjà développé, comme le Ghana, un système opérationnel pour identifier et suivre les dépenses publiques contribuant aux différentes cibles des ODD.
La seconde journée s’est concentrée sur l’intégration d’objectifs de Développement spécifiques, en particulier l’ODD 5 (égalité entre les sexes). Beaucoup plus de pays ont déjà développé des initiatives et outils dans ce domaine. Toutefois, certains défis persistent : notamment le manque d’indicateurs désagrégés par sexe, le manque de volonté politique et la faible coordination entre ministères. Il manque une approche intégrée et multisectorielle. Des outils analytiques utiles, comme l’outil de budgétisation équitable de la GIZ et le nouveau cadre PEFA de la gestion des finances publiques sensible au genre ont été également présentés.
D’après les leçons apprises pendant l’atelier, cinq recommandations principales sont formulées pour les pays qui souhaitent intégrer les ODD dans le budget de l’Etat.
- 1 Intégrer les ODD à toutes les étapes du cycle budgétaire: les ODD doivent être pris en compte à la fois au moment de la préparation budgétaire (de préférence avant les arbitrages budgétaires), pendant l’exécution du budget, et pendant la phase de suivi (à l’aide d’indicateurs de performance) et la phase d’audit. Les mécanismes de GFP existants peuvent être adaptés pour cela.
- 2 Prendre en compte l’interconnexion et l’indissociabilité des ODD: même si certains ODD peuvent être utilisés comme pilotes et que les ODD transversaux peuvent nécessiter un travail particulier, l’ensemble des ODD et leurs liens doivent être pris en compte. Ainsi, une ligne budgétaire peut contribuer à plusieurs cibles ODD en même temps.
- 3 Exploiter toutes les informations disponibles avec le niveau de détail le plus pertinent: pour établir une classification du budget selon les ODD, un niveau de décomposition du budget relativement précis (objectifs politiques, actions ou activités) et les cibles ODD (éventuellement décomposées en sous-cibles), devraient être utilisés. La classification par programme, qui est en train d’être mise en œuvre dans de nombreux pays africains, est particulièrement adaptée.
- 4 Coordonner le processus avec toutes les parties prenantes: ministères sectoriels, Parlement, institutions supérieures de contrôle (ISC), société civile, collectivités locales. Des discussions et si besoins des négociations avec ces acteurs sont nécessaires, et le gouvernement doit initier les activités de sensibilisation et de formations.
- 5 Institutionnaliser la prise en compte des ODD dans le cadre légal, les processus et les systèmes d’informations: la circulaire budgétaire et la documentation budgétaire peuvent également être modifiés, et de nouveaux rapports sur la mise en œuvre des ODD préparés.
[1] Conseiller technique au projet GIZ “Appui Conseil Macroéconomique pour la Réduction de la Pauvreté” au Benin, dirigé par Svenja Ossmann. Cette publication exprime l’opinion personnelle de son auteur.
Note : Les articles du PFM Blog du FMI ne doivent pas être considérés comme représentatifs des opinions du FMI. Les points de vue exprimés sont ceux des auteurs et ne reflètent pas forcément les politiques du FMI.