La mise en œuvre de la LOLF en France : une ambition déçue ?
Posté par Maximilien Queyranne
La Cour des comptes française a récemment rendu public un rapport dressant le bilan de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, dix ans après sa promulgation et cinq années après sa pleine entrée en vigueur au 1er janvier 2006.
La LOLF a introduit en France les grands principes de la « nouvelle gestion publique » adoptée dans de nombreux pays de l’OCDE, avec la mise en place de budgets de programme, la dévolution d’une plus grande autonomie financière aux gestionnaires, et le passage à une comptabilité en droits constatées. Cet article, qui n’entend pas constituer un résumé de ce rapport très complet identifie certaines leçons qui pourraient éclairer les pays qui ont eux aussi décidé et entrepris une « réforme de l’Etat par le budget ».
La LOLF a apporté en France des avancées dans de nombreux domaines :
- l’information financière a été sensiblement clarifiée et enrichie dans le cadre des lois de finances initiales, et également fiabilisée s’agissant des comptes de l’Etat ;
- les techniques de budgétisation se sont professionnalisées, la budgétisation au premier euro permettant une meilleure connaissance des déterminants de la dépense publique ;
- les gestionnaires bénéficient d’une plus grande visibilité, grâce au recul des pratiques de gel et d’annulation de crédits ;
- la réduction du volume des crédits évaluatifs et des reports de crédits a également eu des effets vertueux sur la gestion.
Toutefois, ces progrès ne peuvent masquer les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la LOLF, qui n’ont pas permis d’atteindre ses ambitions initiales de réforme de l’Etat et de renforcement du rôle du Parlement dans le domaine budgétaire.
En matière de budgétisation, la logique des budgets de programme n’a pas été conduite jusqu’à son terme. La France a privilégié le maintien de l’organisation administrative préexistante à la LOLF, plutôt qu’une modification des organigrammes et des responsabilités des ministères pour mieux refléter les politiques publiques. Ce choix pragmatique, justifié dans les premières années de la réforme, devrait être progressivement remis en cause, dans le cadre de revues triennales des budgets de programme. En outre, le rapprochement budgétaire des services dans un même programme devrait conduire à une organisation et une gestion commune, plutôt qu’à leur simple juxtaposition.
La sincérité demeure encore insuffisante du fait d’une sous-évaluation de certaines dépenses (financement des opérations militaires extérieures, aides à l’acquisition de véhicules écologiques…) et de la masse salariale, ainsi que du fait du recours persistant à des instruments extra budgétaires (taxes affectées, nombreux comptes d’affectation spéciale, partenariats publics privés mal appréhendés).
En matière d’exécution budgétaire, les marges de gestion données aux responsables administratifs dans le but d’améliorer leur performance demeurent limitées. Les responsables de programme, même s’ils ont une autorité administrative reconnue de par leur qualité fréquente de directeurs, peinent à s’affirmer entre les secrétaires généraux des ministères, qui supervisent les directions supports des ministères, et les directions des affaires financières, qui deviennent l’interlocuteur privilégié du ministère des finances. La tutelle des organismes distincts de l’Etat chargés de mettre en œuvre les politiques publiques pourrait être renforcée, par une professionnalisation de cette fonction au sein des ministères et la signature de contrats de performance mieux articulés avec les objectifs fixés dans les budgets de programme. La mise en place d’un contrôle interne au sein des ministères reste insuffisante pour permettre un allègement du contrôle financier a priori. Les souplesses de gestion demeurent réduites, faute de crédits suffisants pour faire jouer la fongibilité asymétrique, (transfert des crédits de personnel vers des dépenses d’investissement ou de fonctionnement), ainsi qu’en raison d’un fléchage excessif des crédits au niveau déconcentré et du rôle limité des responsables de programme sur les dépenses fiscales, qui relèvent du ministère des finances. Les retards dans la modernisation des systèmes d’information n’ont pas permis aux gestionnaires de faire usage des libertés qui leur ont été accordées.
En matière comptable, les gestionnaires ne se sont pas appropriés la comptabilité générale comme outil d’aide à la décision, faute d’accompagnement et de pédagogie pour mieux articuler gestion et comptabilité, à l’image des entreprises privées. La comptabilité d’analyse des coûts est destinée essentiellement à l’information du Parlement, ce qui ne permet pas de l’utiliser au plan opérationnel.
En conclusion, la réussite des réformes de seconde génération repose sur une stratégie, un plan d’action et une conduite du changement structurés, ainsi qu’un pilote bien identifié. En particulier, ces réformes nécessitent :
- une équipe-projet dédiée, qui définisse les règles, méthodes et systèmes d’information nécessaires à la mise en œuvre des réformes et qui soit capable d’animer les travaux interministériels ;
- au-delà d’une politique de formation aux nouvelles techniques budgétaires et comptables, le développement d’une politique de sensibilisation de l’ensemble des fonctionnaires ;
- une forte implication du Parlement dans la mise en œuvre de la réforme, et un dialogue constructif entre le producteur de comptes et son auditeur externe dans le cadre de la mise en place de la comptabilité en droits constatés.
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